SUJETS DE SOCIÉTÉ
En juin 2009, se promenant à Évry et oubliant qu'il était équipé d'un micro-cravate, il déclare : « Belle image de la ville d'Évry... Tu me mets quelques Blancs, quelques Whites, quelques Blancos... » Plus tard, il se justifiera de la sorte : « Évidemment avec les stands qu'il y avait là, [j'avais] le sentiment que la ville, tout à coup, ça n'est que cela, (...) ça n'est que cette brocante, alors que j'ai l'idée au fond d'une diversité, d'un mélange, qui ne peut pas être uniquement le ghetto. On peut le dire ça ? (...). Il faut amener une diversité sociale d'abord, parce qu'il est là essentiellement le problème dans une ville comme Evry, qui est une ville qui a évolué, qui est une ville aussi de classe moyenne, mais qui manque d'un centre-ville. Donc, c'est tout le projet de ma ville, d'avoir un véritable centre-ville, qu'on est en train de lancer, et qui permette d'accueillir ces classes moyennes, qu'elles soient issues ou non de l'immigration. On a besoin d'un mélange. Ce qui a tué une partie de la République, c'est évidemment la ghettoïsation, la ségrégation territoriale, sociale, ethnique, qui sont une réalité. Un véritable apartheid s'est construit, que les gens bien-pensants voient de temps en temps leur éclater à la figure, comme ça a été le cas en 2005, à l'occasion des émeutes de banlieues. »
Il reprend le terme d'« apartheid » en janvier 2015, à propos du manque de mixité sociale. Il déclare que le terme est juste « parce que c'est ainsi que le ressentent les habitants des quartiers »148. Le terme est relayé par une grande partie de la presse, lors de la proposition de mesures, au demeurant, jugées légères, en faveur de la mixité sociale.
En septembre 2012, lors de la cérémonie du Nouvel an juif à la synagogue de la Victoire, il déclare : « Chaque religion a ses rites et ses traditions ; la liberté de croyance, c'est la liberté de porter la kippa, de manger casher, de réaliser la circoncision. ». Le grand-rabbin de Paris, Michel Gugenheim, a salué le « sans fautes » du ministre.
Ses relations se sont tendues avec la communauté catholique, en particulier la frange la plus à droite, du fait de son appréciation des manifestations contre le mariage pour tous, des batailles de chiffres sur le nombre de manifestants et de ses retards à condamner les divers incidents survenus dans des églises en tant que ministre de l'Intérieur. Quant à ses relations avec la communauté musulmane, elles sont mauvaises, malgré sa reconnaissance tardive des actes anti-musulmans, pour plusieurs raisons : son soutien inconditionnel à la directrice de la crèche Babyloup en conflit avec l'une de ses employées voilées ; son soutien à la loi interdisant le voile intégral dans l'espace public ; son opposition à laisser des femmes voilées accompagner des sorties scolaires ; son appréciation générale du voile islamique - « le voile, qui interdit aux femmes d'être ce qu'elles sont, doit rester pour la République un combat essentiel » selon lui - ; son jugement favorable à l'égard des propositions du Haut Conseil à l'intégration, parmi lesquelles l'interdiction du voile islamique à l'université ; et son désintérêt pour les instances représentatives officielles de l'islam. En mai 2016, il reprend à son compte l'expression d'« islamo-gauchisme » utilisée par son secrétaire d'État Jean-Marie Le Guen. Après l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, il déclare qu'il « faut une remise à plat et inventer une nouvelle relation avec l'islam de France », envisageant d'interdire le financement des mosquées par l'étranger « pour une période à déterminer ».
En 2003, il cosigne une tribune avec Jean-Luc Mélenchon et Vincent Peillon dans laquelle les trois hommes récusent la participation de Tariq Ramadan au Forum social européen après que ce dernier a accusé les intellectuels juifs français d'obéir à des logiques communautaire ou nationaliste pro-israélienne. Ils estiment alors que l'intellectuel suisse « habill[e] d'un prétendu progressisme l'antisémitisme ».
Le 17 juin 2011, il intervient sur la radio Judaïca de Strasbourg et se voit reprocher la position de la gauche dans ses rapports aux Juifs, à la lutte contre l'antisémitisme, à l'islam et à Israël, ce à quoi il répond : « Je ne parle que pour moi : la lutte contre l'antisémitisme, je dis ça pour des raisons politiques, historiques, ma famille est profondément liée à Vladimir Jankélévitch qui a écrit le plus beau livre qu'on puisse écrire sur l'imprescriptible et la Shoah ; par ma femme (Anne Gravoin), je suis lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël, quand même... »
D'après Jacques Hennen, coauteur avec Gilles Verdez d'une biographie consacrée à Manuel Valls, ce dernier « ne prend parti ni pour un camp, ni pour l'autre » dans le conflit israélo-palestinien. Le journaliste affirme également que rien ne permet d'étayer la thèse soutenue par Emmanuel Ratier, journaliste d'extrême droite, dans une autre biographie de l'intéressé, selon laquelle Manuel Valls aurait changé d'avis sur le sujet à cause de sa deuxième épouse, Anne Gravoin, de confession juive. Emmanuel Ratier précise lui-même n'avoir « aucune preuve de l'influence de sa femme dans son revirement géopolitique ». Cette thèse, reprise par Roland Dumas lors d'un entretien face à Jean-Jacques Bourdin en février 2015, est en vogue au sein de l'extrême droite depuis 2011, et relayée en particulier dans la mouvance constituée par Dieudonné et Alain Soral, ainsi que par l'hebdomadaire Rivarol. Nicolas Lebourg, Valérie Igounet et Jean-Yves Camus, spécialistes de l'extrême droite, y voient un raisonnement typique de la théorie du complot juif, dans la lignée des thèses antisémites d'Édouard Drumont.
Début avril 2012, alors que le ministre de l'Intérieur Claude Guéant interdit à certains prédicateurs islamistes étrangers de se rendre au rassemblement annuel de l'UOIF en raison de leurs propos « appelant à la haine », Manuel Valls est l'un des rares élus, avec le Front national, à s'inquiéter de leur venue en France. Il affirme notamment que, pour Youssef al-Qaradâwî, « connu pour ses fréquents propos antisémites, le jihad est un devoir pour tous les musulmans ». En mai 2012, une fois devenu ministre de l'Intérieur, il indique qu'il refuserait la présence en France de « soi-disant théologiens, qui prônent, que ce soit avec des mots durs ou avec des mots doux, la haine du Juif », et estime qu'il « était temps » pour « les organisations qui les invitent » de « changer d'attitude » et de « respecter les lois de la République ».
En septembre 2012, invité comme ministre de l'Intérieur et des Cultes à la cérémonie du Nouvel an juif à la synagogue de la Victoire, il déclare : « Chaque religion a ses rites et ses traditions ; la liberté de croyance, c'est la liberté de porter la kippa, de manger casher, de réaliser la circoncision. ». Le grand-rabbin de Paris, Michel Gugenheim a salué le « sans fautes » du ministre tandis que le grand-rabbin de France, Gilles Bernheim déclarait : « La confiance débute. Espérons qu'elle soit pérenne ».
Après les attaques de synagogues à Paris durant l'été 2014, il déclare le 18 septembre 2014 à la synagogue de la Victoire que « sans les Juifs, la France ne serait pas la France ». Cette déclaration et celles faites après la prise d'otages du magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes ainsi que celles faites contre le mouvement BDS lui valent une certaine sympathie dans la communauté juive.
En mars 2016, il déclare lors du dîner annuel du CRIF que l'antisionisme est « tout simplement le synonyme de l'antisémitisme et de la haine d'Israël ». Ses propos sont soutenus par Roger Cukierman, président du CRIF, pour qui « l'antisionisme est le nouvel habit de l'antisémitisme ». Pour le journaliste Maurice Szafran, le Premier ministre, tout en étant conscient que « de nombreux (et importants) intellectuels (juifs) de gauche ont défendu dès le premier jour de l'indépendance de l'État d'Israël des thèses et des positions dites « antisionistes » », dénonce un « antisionisme « antisémite » » qui touche « les milieux populaires », ce que se refuserait à faire « une partie de la gauche » par électoralisme. L'historien Jean-Christophe Attias estime que la déclaration de Manuel Valls est « beaucoup trop simpliste » : s'il reconnaît que « le discours antisioniste sert à masquer (de plus en plus mal) une forme d'antisémitisme », il déplore que « certains cherchent à criminaliser toute critique d'Israël en la taxant d'antisionisme, et au-delà d'antisémitisme ». Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération, met en cause une « erreur » de la part de Manuel Valls à travers « l'identification de deux notions connexes mais distinctes ».
Communication
Ce rapprochement entre sa méthode de communication et celle du 23e président de la République est courant chez les observateurs de la vie politique, qui relèvent la recherche commune d'une forte visibilité médiatique chez les deux hommes et leur attribution par les sondages d'opinion des mêmes traits de caractère (énergie, dynamisme, volontarisme, autorité). Commentant la présence de Manuel Valls en compagnie de son épouse à la une de Paris Match après sa nomination à Matignon, Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos, affirme : « Ils ont tous les deux intégré l'idée que le public demande de la transparence et qu'il est difficile de séparer, comme par le passé, la vie privée de la vie publique. » Le discours de politique générale de Manuel Valls du 8 avril 2014 a notamment présenté plusieurs similitudes avec le discours d'investiture de Nicolas Sarkozy par l'UMP pour l'élection présidentielle de 2007.